#Pièce de théâtre #Fable philosophique: #L’Oiseau Vert

L’Oiseau Vert (L’Augellino belverde). Une fable philosophique de Carlo Gozzi. Traduction d’Agathe Mélinand. Mise en scène, décors et costumes de Laurent Pelly

Sortie entre étudiants au Théâtre National de Toulouse le 15 Novembre 2016.

 

« Dans sa fable théâtrale de 1765, Gozzi le Vénitien se permet tout. Sa pièce extraordinaire est à la fois un conte philosophique, un voyage initiatique, une folie… où l’on croise reine sanguinaire, roi dépressif, charcutière dépassée, fées, et, bien sûr, un oiseau magique… » Agathe Mélinand

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Dès les premières minutes le ton est donné :

Un comédien s’exclame « Je ne comprends rien à ce qu’il dit… j’adore ce poète ! ».

L’absurde sera donc un maître mot ! Mais pas seulement…

Un premier ministre un peu lâche et un poète avide sont les premiers narrateurs de l’histoire suivante :

Un roi hypocondriaque est parti en guerre depuis 19 ans, sa reine de mère a enterré sa belle-fille sous l’évier des cuisines du palais et s’est débarrassée des deux enfants, les jumeaux royaux, afin de rester seul maîtresse du domaine esseulé. Les jumeaux sont abandonnés dans le cours d’un ruisseau mais sont recueillis par un couple de charcutiers : lui, dépensier et amateur de bonne chère (..et chair..), elle, généreuse au point de mettre le magasin en faillite, et qui déborde d’amour pour ces deux enfants « nés de l’Orange », si beaux, et qui emploient de si « jolis mots ».

Ces jumeaux philosophes n’ont pourtant développé que dédain pour leurs parents adoptifs, et avec l’aide d’une mystérieuse statue parlante, ils se retrouvent soudainement projetés dans un monde de luxe et d’abondance. Ce qui transforme les deux enfants, malgré leurs sages résolutions, en deux personnes gâtées, capricieuses et exigeantes.

Avec l’aide de leurs parents adoptifs, revenus vers eux par amour pour l’une et par intérêt pour l’autre, ils s’engagent dans des quêtes des plus curieuses, afin de posséder toujours plus… Ils seront, pendant leur aventure, confrontés à bien des embûches, semées par un mystérieux oiseau vert. Cet oiseau bavard est amoureux de Barbarina, la fille, et l’allié secret de la mère, bien vivante et toujours prisonnière sous l’évier.

Les « sexy » pommes chantantes, l’eau dansante, et ces statues revenues à la vie permettront-ils à nos héros d’aboutir à leur poursuite infinie de possessions futiles ? Ou de simplement redevenir qui ils sont censés être ?

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Les intrigues se dénouent et la magie se termine, cependant la fable philosophique nous a bousculé. Les véritables “enfants perdus”, c’est nous :

On retrouve les plaisirs du rire, propres à la comédie, mais on médite aussi beaucoup, à tel point que l’espace d’un instant, ni l’Oiseau, ni le poète ne nous sort de notre réflexion : le comédien a soulevé des interrogations qui semblent nous concerner.

– « Et s’il avait raison ? Ne doit-on plus aimer ? Ni posséder ? Pour être parfaitement heureux et libre… ? »

– « Et si j’apporte mon aide à une personne dans le besoin, est-ce par amour propre ? »

Finalement un autre éclat de rire nous sort de nos pensées philosophiques, et l’on se replonge avec délice dans le spectacle, transporté par ces costumes scintillants, qui sont échangés en un clin d’œil, et par les pleurnichements de ce roi qui ne peut évoluer que s’il est « encadré »… Le tout sur une scène ondulée et amovible, permettant des ascensions, des cascades et abaissements sans quitter le plateau. La magie opère, un oiseau amoureux et des statues qui parlent : c’est burlesque, mais sur le plateau comme dans l’auditoire, l’émotion l’emporte sur la raison.

Le texte original est à peine modifié, et pourtant grâce au talent des comédiens et celui du metteur en scène, on peut adapter la pièce à toutes les époques, en y ajoutant des tirades plus contemporaines et des gestuelles comiques.

Une très belle œuvre qui n’a pas laissé indifférent, à la sortie du théâtre le débat philosophe perdure. Cependant la statue a raison : « Il n’existe pas de philosophe, il n’y a que la philosophie ».

 

L’Auteur du texte :

Le dramaturge Carlo Gozzi (1720-1806) aime mettre en scène des contes populaires, à l’époque pour contrer le réalisme des pièces de son principal concurrent sur la scène du théâtre Italien, Goldoni. Les spectacles de Carlo Gozzi, souvent des caricatures sur les idéologies du siècle, trouvent un certain succès auprès du public Vénitien, notamment grâce aux comédiens de la compagnie Sacchi.

 

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