« Ce film est entièrement interprété en langue des signes. Il ne comporte ni traduction, ni commentaires »
Nous étions donc prévenus. Le Mardi 14 Octobre, le cinéma l’Utopia de Toulouse a projeté The Tribe, en présence de Stéphane AUCLAIRE, distributeur du film (UFO Distribution) qui est ensuite intervenu au sein l’option Management des Activités Culturelles et Créatives de Toulouse Business School. Claire-Anne BALBO et moi avons donc amené les élèves à l’Utopia pour voir ce long métrage néerlando-ukrainien, écrit et réalisé par Myroslav Slaboshpytskiy, qui avait notamment gagné le Grand Prix de la Semaine de la Critique. Surprenant ? On peut le dire. C’est volontairement que le film, tourné en langue des signes, n’est pas sous-titré. A la sortie, les réactions s’opposent: certains ont adoré, d’autres détesté. Mais tous partagent le sentiment d’avoir reçu comme une claque, dans cette expérience d’immersion au sein d’un internat spécialisé pour sourds et muets. On y devient témoin de l’ascension de Sergey dans la hiérarchie de cette bande qui suit ses propres règles pour survivre ou subvenir à ses besoins, entre trafics et prostitution. C’est probablement pour ça que reviennent, chez ceux qui ont aimé comme chez ceux qui ont détesté, les mots « violence », « choc», « malaise ». En choisissant de ne pas accompagner le film de sous-titres, le réalisateur fait le pari de modifier notre regard, qui se fixe sur la gestuelle des personnes et toutes les façons de communiquer au-delà des mots. A cela s’ajoute une construction uniquement faite de 23 plans-séquence, donnant un rythme presque réel au film qui nous amène à comprendre cette tribu, visuellement. Le réalisateur explique : « Il est important, à mes yeux, que le spectateur ne comprenne pas ce qui se dit mot à mot, mais plutôt ce qui se passe en général comme c’est le cas dans la pantomime ou le théâtre kabuki (…). Je me suis dit que ce mélange de cinéma, de pantomime et de ballet pouvait être une proposition artistique très excitante ! Vous l’avez sans doute noté, les personnes sourdes ne communiquent pas seulement avec leurs mains. Elles le font avec tout leur corps. Ce processus peut captiver n’importe qui, même si on ne comprend pas la langue des signes. »
C’est peut-être ce qui rend THE TRIBE si particulier et plus difficilement accessible pour le spectateur, quelque part mis à distance à travers une mise en scène très silencieuse et de laquelle les seuls bruits qui s’échappent sont ceux des corps, et des gestes. S’il ne fît pas l’unanimité par le difficile sujet qu’il traite, et la manière audacieuse qu’il emploie pour cela, nous fûmes tous d’accord sur un point : on n’en sort pas indemne. Et malgré ce côté « on aime ou on aime pas », il est difficile d’avoir un avis réellement tranché sur THE TRIBE, face aux innombrables manières de l’appréhender : expérience cinématographique ou sujet de fond et de dénonciation ? En somme, il serait facile de se positionner trop vite ou sur le fond ou sur la forme, plus difficile de considérer la rencontre des deux dans l’objet unique.
Au-delà de la façon dont on a reçu personnellement cette œuvre, ce film soulève la question de la difficulté de distribuer un tel film, malgré une belle couverture média. Un film a beau être encensé par la critique, cela ne garantit pas forcément son succès. D’ailleurs, un tel engouement peut même le desservir, en détournant le spectateur qui n’en retient que l’insoutenable violence, comme si elle pouvait justifier ou non de sa qualité. C’est un thème que nous avons eu la chance d’aborder avec Stéphane AUCLAIRE, qui a pu nous donner sa vision, à chaud, d’une telle expérience en tant que distributeur. Dans tous les cas, on ne reste pas de marbre.
Pour plus d’informations sur l’événement et sur le film :
http://www.cinemas-utopia.org/toulouse/index.php?id=2456&mode=film
http://www.ufo-distribution.com/catalogue/the-tribe/