Etat des lieux sur les Arts de la Rue

Définition du Ministère de la Culture des Arts de la Rue

« Un millier de compagnies composent aujourd’hui le secteur des arts de la rue : du théâtre de rue aux installations de scénographie urbaine, des groupes musicaux aux danses urbaines… les arts de la rue se caractérisent par une très grande variété des formes et des démarches artistiques.
Nourris des traditions populaires, mais aussi portés par une ouverture vers les formes contemporaines de la création, les arts de la rue sont un espace d’expériences artistiques sensibles parce qu’ils s’emparent de l’espace public et questionnent la pratique artistique en la positionnant en dehors des lieux consacrés. Ce choix implique également la recherche d’une relation réinventée avec le public, au-delà des codes établis par la scène théâtrale fermée. »

L’analyse actuelle

La journée nationale des arts de la rue, « Rue libre ! », a eu lieu ce samedi 24 octobre. Organisée pour la 8ème année, elle a eu lieu dans 3 pays : à Paris (France), à Neuchâtel (Suisse) et à Athènes (Grèce). En France, elle est organisée par la Fédération nationale des Arts de la Rue. Cet évènement entendait rassembler une multitude d’acteurs dans une ambiance festive mais pour dénoncer une réalité grave : les arts de la rue manquent de soutien et sont en crise.

Le constat est clair, le domaine est en berne : depuis mars 2014, on compte 23 festivals supprimés, et 3 collectifs qui ont disparu. Depuis les élections municipales de mars 2014, on constate une baisse des dotations de l’Etat aux collectivités et les conséquences sont néfastes pour le secteur culturel et en particulier pour les Arts de la Rue. On note une baisse généralisée des budgets, des CNARs en grande difficulté, des structures menacées par des coupes budgétaires. Certes, la création de 3 CNARs avait été officialisée en juillet 2013 par Aurélie Filippetti, (Le Boulon à Vieux-Condé dans le Nord, l’APSOAR à Annonay en Ardèche, les Ateliers Frappaz à Villeubanne dans le Rhône), mais on constate par exemple qu’un des CNARs, Les Usines Boinot, est à la limite de la disparition s’il ne trouve pas un nouveau lieu pour résider.

Pour pallier ces difficultés, des initiatives se forment depuis des années. Où en sommes-nous actuellement ?

A Châlon-sur-Saone en juillet 2013, Michel Orier, directeur général de la DGCA, annonce le lancement pour octobre de cette année-là du CNACEP : Conseil National pour l’Art et la Création dans l’Espace Public. Ce devait être un conseil transdisciplinaire et interministériel qui devait engager des débats et chantiers de travail spécifiques aux arts dans l’espace public. Finalement, c’est la Mission Nationale pour l’Art et la Culture dans l’Espace Public (MNACEP) qui a été lancée le 16 avril 2014. Elle réunit surtout des représentants de l’Etat et des collectivités territoriales. Ses missions sont d’ancrer les arts de la rue et du cirque aux territoires, de construire une fédération de ressources pour valoriser les savoirs, de mettre en place un réseau (soutien, conseil) et d’accompagner l’internationalisation des compagnies. Mais derrière cette mission large de porter une parole collective pour promouvoir l’art et la culture dans l’espace public, il y a peu d’actions concrètes : seulement 3 ateliers en 2014 et 2 en 2015. Il semblerait que la mission s’essouffle déjà.

Notons en outre que cette commission est censée être pilotée par Hors les murs. Ce Centre national de ressources des arts de la rue et des arts du cirque, créé en 1993 par le Ministère de la Culture, a pour missions de développer le cirque contemporain, les arts de la rue, et toutes les formes de création hors les murs. Autant dire, une ressemblance troublante avec les missions de la MNACEP. Pourquoi multiplier les acteurs et chantiers, ce qui semble brouiller les pistes plus qu’accoucher de réels projets ?

En France, la Fédération Nationale des Arts de la rue essaye d’atteindre les 250 structures adhérentes qui lui permettraient d’obtenir le statut d’organisation représentative du spectacle vivant (selon les nouveaux critères de la loi du 5 mars 2014). Cela lui permettrait de siéger aux instances professionnelles pour défendre les droits des arts de la rue. La FNAR a du mal à se faire entendre. Elle mène une campagne de sensibilisation auprès des candidats aux régionales de décembre 2015 pour qu’ils prennent d’avantage en compte la culture dans leurs programmes, et notamment les arts de la rue.

Le Ministère de la Culture et de la Communication lance à présent deux appels à projet pour aider à la création de la Commission Nationale pour les arts de la rue et les arts du cirque, et pour aider à l’itinérance des criques, avec une réponse donnée à l’hiver 2016. Or, « quand on veut enterrer un problème, on crée une commission », disait notre cher Clemenceau. Qu’adviendra-t-il réellement de ces projets ?

Pour autant, les arts de la rue ne manquent pas de créativité et de renouvellement social et artistique. En effet, la fidélité du public est grandissante : 62 % des Français de plus de 15 ans ont assisté au moins une fois dans leur vie à un spectacle de rue et 34% au cours de 12 derniers mois. Ces chiffres sont en progression de 10 points par rapport aux dix années précédant l’enquête réalisée en 2008.  Les arts de la rue sont en plus fédérateurs : on constate un relatif équilibre entre les catégories socio-professionnelles dans le public, et une intergénérationnalité importante aux yeux des considérations actuelles. De plus, le public est plus assidu en région, ce qui va dans le sens d’une certaine décentralisation culturelle souhaitée par les pouvoirs publics.  Enfin, on constate que 58% du public des arts de la rue n’ont assisté à aucune représentation en salle dans l’année où ils ont été interrogés : les arts de la rue sont donc des acteurs majeurs de la démocratisation culturelle.

De plus, il faut noter l’impact touristique et territorial des arts de la rue, qui dynamisent certains territoires enclavés et animent ces populations. L’exemple frappant est Aurillac, mais cet argument du développement territorial reste très actuel.

Enfin, on note l’avènement du street art. Ce secteur semble être en essor et peut à terme flouter les frontières des arts de la rue. Selon la définition du Ministère de la Culture, les arts de la rue seraient un art vivant qui s’épanouit en dehors de la salle de spectacle fermée. Mais peut-être faut-il inclure progressivement d’autres formes d’expression urbaine ? Le graffiti et les arts visuels pourraient peut-être renouveler l’intérêt pour les arts de la rue. On peut penser notamment à une mutualisation des moyens et à un rassemblement de publics différents autour d’un art public plus global.

Théo Gely, Misia Graindorge, Ines Abdesselam, Simon Polin et Anna Soskin.

Sources :

–      http://www.federationartsdelarue.org/Appels-a-projets-de-la-Commission.html

–      http://veilletourisme.ca/2014/02/03/lart-de-la-rue-dynamise-les-destinations-touristiques/

–      http://www.zoomlarue.com/

–      http://www.federationartsdelarue.org/Annonces-du-ministere-de-la.html

–      http://horslesmurs.fr/

–      http://www.federationartsdelarue.org/

–      http://www.federationartsdelarue.org/sites/www.federationartsdelarue.org/IMG/pdf/mcc_-_discours_lancement_mnacep.pdf

–      http://mnacep.fr/

–      http://www.federationartsdelarue.org/Annonces-du-ministere-de-la.html

–      Enquête du Ministère de la Culture et de la Communication sur le Public des Arts de la Rue, 2008

–      http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre-et-Loire/Loisirs/Theatre-danse/n/Contenus/Articles/2015/10/20/Les-arts-de-la-rue-se-sont-retrouves-au-37-e-2506273

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