Bâtiment du Musée de la Bible à Washington
David Green, un prospère entrepreneur d’Oklahoma City ayant fait fortune grâce à sa chaîne de magasins d’œuvres d’art et de décoration « Hobby Lobby », a ouvert il y a quelques jours son « Museum of the Bible » à Washington. En effet, la famille Green est une grande famille de collectionneurs de divers artefacts chrétiens. Ils ont acquis en 6 ans, plus de 40 000 objets archéologiques tels que des manuscrits, des rouleaux de la Torah, des tablettes cunéiformes, des manuscrits de la mer Morte et manuscrits bibliques … C’est donc un musée de 40 000 m², 8 étages, et d’une valeur de 500 millions de dollars que la famille a financé en majorité afin de pouvoir y abriter sa collection d’objets uniques.
De la même manière, mais dans une bien moindre mesure, Guillaume Fournier, un ingénieur de Pierrefonds âgé de 35 ans, passionné d’Histoire, et guide conférencier à ses heures perdues, a décidé d’ouvrir dans sa ville un musée : « Les secrets de Pierrefonds ». Cet homme a décidé de lancer en parallèle de son activité professionnelle, l’ouverture de ce musée ludique qui sera composé de sa collection personnelle de 800 lithographies, gravures, photographies, dessins originaux, livres journaux et objets mais surtout une magnifique maquette du château de Pierrefonds faite de bois. Pour ouvrir ce musée des plus originaux, Guillaume a décidé de lancer une campagne de crowdfunding afin de l’aider à acheter du matériel, des cadres par exemples.
Ces deux exemples nous montrent comment, les codes des acquisitions et des donations dans le système muséal peuvent être remis en cause par les citoyens. Ces collectionneurs, qui auraient très bien pu faire une donation classique de leurs œuvres, ont préféré se lancer dans l’aventure, très complexe, de l’ouverture d’un musée. Ceci montre d’une part, un manque de confiance dans les institutions muséales classiques, car elles souvent dans l’incapacité d’exposer toutes les œuvres qu’elles acquièrent et les collectionneurs ont peur de voir des pièces qui leur tiennent à cœur rester dans les réserves, d’autre part à cause d’un manque de structures muséales. Le nombre de musée reste relativement restreint et ils ne peuvent pas toujours accueillir dans leurs collections des œuvres données, pour des raisons de ligne éditoriale et artistique.
Mais ces nouvelles formes de mise à disposition d’œuvres au public peuvent aussi entraîner des problèmes éthiques. Dans le cas du musée de la Bible, les Green sont une famille chrétienne très pratiquante et conservatrice et ont été accusés de prosélytisme lors de l’ouverture de celui-ci. En effet, ce nouveau musée est situé juste à côté du Capitole et est-ce le signe d’un mélange politique et religion ?
Cependant, ces nouveaux musées crées autour d’une collection privée, restent des cas exceptionnels. Les moyens classiques, pour un établissement ou une collectivité d’enrichir leurs collections et rendre visibles de nouvelles œuvres, restent les plus répandus.
La musée de la Grande Guerre de Meaux, en Seine et Marne, vient de recevoir un don exceptionnel d’une texane. Son arrière-grand-père, Eugène Lee avait traversé l’Atlantique pour combattre en France durant la première Guerre Mondiale. Ce sont divers objets du quotidien : un uniforme, des guêtres, une sacoche, du courrier, un livret de traduction… que cette Américaine a souhaité léguer à ce musée français, afin de reconstituer la vie d’un soldat durant la Grande Guerre et d’honorer la mémoire des 80 000 autres américains venus combattre pour la France.
Le Centre National des Monuments vient d’acquérir un ensemble de 74 tirages photographiques témoins de la disposition d’origine de la villa Cavrois. Ces tirages proviennent des Etats-Unis où ils n’avaient encore jamais été dévoilés. Ces œuvres sont extrêmement importantes, car elles permettront à terme de rendre à la villa son état d’origine, dans le cadre de sa politique de réaménagement.
Les acquisitions se font aussi en Asie ! Lors de la 7ième Biennale Internationale des Arts de Pékin, le musée de Pékin a fait l’acquisition d’une œuvre du peintre Mansouri Idrissi qui été exposée durant cet événement. C’est un honneur pour cet artiste marocain de se voir entrer dans les collections d’un musée chinois et ainsi permettre à l’art marocain d’être reconnu à l’international.
Oeuvre de Mansouri Idrissi acquise par le musée de Pékin
Tous ces exemples montrent une dynamique nouvelle dans les politiques d’acquisition et donations des musées et institutions. La mondialisation touche aussi le monde de l’art. En effet, les pays ne se contentent pas de mettre en avant leurs propres artistes et d’en acquérir les œuvres, mais bien au contraire, les institutions participent à créer un patrimoine mondialisé et à favoriser le déplacement de celles-ci à travers le monde. Il semblerait qu’il n’existe pas de frontières dans les donations et les acquisitions d’œuvres. Mais cette dynamique ne date pas d’aujourd’hui ! Un buste en marbre de Napoléon Ier sculpté par Auguste Rodin a été authentifié par hasard, par une stagiaire chargée de recenser les œuvres dans la salle du conseil municipal de la ville de Madison dans le New Jersey. Cette fabuleuse sculpture, installée dans cette salle depuis 80 ans sans qu’on en connaisse la provenance, a été estimée entre 4 et 12 millions de dollars. Ce buste vient d’être donné au Philadelphia Museum of Art car, pour des raisons d’assurance, la présence de cette pièce dans la salle municipale devenait encombrante.
Buste de Napoléon premier par Auguste Rodin
SOURCES